Une rencontre avec Gallo ne laisse personne indifférent. D’abord parce qu’une énergie et un amour de la vie sans pareilles irradient de ce jeune homme de 90 ans. Ensuite, parce qu’en écoutant le récit de sa vie, un destin qui l’a conduit sans ménagement des cimes jusqu’au fond des gouffres, on découvre que ce Cubain doit sa survie à une incroyable capacité d’adaptation et un sentiment inné de l’improvisation. Enfin, parce que c’est à 65 ans, alors qu’il ne voyait plus aucune issue à son existence, qu’il est né une seconde fois, en se donnant à l’art corps et âme.

Son Museo de Afectos, un microcosme insolite, regorge d’une infinité d’objets hétéroclites : appareils photos, transistors, raquettes, réveils, parachutes, brosses, vinyls, entonnoirs, médailles, pèse-personnes, machines à coudre… Tous détournés de leur utilité initiale, tous réinterprétés avec l’infinité de supports que peut offrir le recyclage.

Cette collection surréaliste n’est pas seulement la critique d’un monde matérialiste. En réalité, toute l’œuvre de Gallo est marquée par la conscience d’une loi implacable : la vie n’est rien d’autre que la transformation permanente de la matière ; voilà pourquoi elle est éternelle. Il en est une preuve vivante !

Né en 1924, sixième et dernier enfant d’une famille sans histoire, il doit se mettre à travailler à douze ans. Barbier par nécessité, il finit par ouvrir son propre salon. Mais la Révolution va changer sa vie. À 36 ans, Celui qui participait clandestinement à la lutte est convoqué en haut lieu : « à partir de maintenant, tu n’es plus barbier, tu es diplomate ! ». Et voilà que ce « semi-analphabète » va parcourir le monde pendant trente ans, voyageant dans une vingtaine de pays. Puis vint la retraite, la relégation dans une banlieue de La Havane, la Période Spéciale – l’une des plus douloureuses de l’histoire cubaine… Et l’envie d’en finir.

À 90 ans, dans la pénombre de son petit salon illuminé par son art, Gallo poursuit son œuvre, « complétant » les pièces qu’on lui apporte comme autant de traces de vie, leur conférant ainsi une forme d’immortalité